Où il est question de Shiva et de la conduite en autobus ...

18/03/2013 12:37

 

Pondichéry 18/03/2013

Ma visite au temple de Nataraja à Chidanbaram date déjà de quelques jours. C'est vraiment un lieu qui vaut le déplacement. C'est à 60 km d'ici soit 2 h de bus !!!... Les photos sont dans la galerie.

D'abord 1/2h de marche jusqu'à la gare routière. Ni circulation, ni bruit, il est trop tôt : un régal …

Sur mon chemin toujours les mandalas dessinés à l'entrée des demeures ou des boutiques avec de la farine de riz (j'en ai photographié une sacrée collection) ; les sans-abris dorment encore sur les trottoirs ou même sur les bords de la 4 voies ; des vaches et leur veau, en compagnie d'un superbe coq, sommeillent sous leur auvent en plastique, quant aux chèvres elles sont déjà debout en quête de nourriture … Arrêt photo devant un chariot fleuri transportant la cruelle déesse Khali … Bon café dans une échoppe où un très vieux monsieur insiste pour me laisser le tabouret sur lequel il était installé pour manger son plat de riz. Je passe très vite près d'un pauvre hère, fouillant dans un tas de loques sur le sol, et dont Brassens aurait pu dire qu'il « exhibe malgré lui ses humbles génitoires » !

J'ai de la chance, à mon arrivée le bus est presque prêt à démarrer : musique à fond, vendeurs d'en-ca, de fruits, de thé montent et descendent …

Je m'installe bravement à l'avant et puis, là, je suis tout près des divinités protectrices collées sur le pare-brise !!!...

Difficile de faire des photos en route, mais, c'est le matin, je suis en pleine forme, « j'imprime » au maximum :

Un homme seul, debout sur une embarcation  légère, une longue perche à la main, au milieu d'une étendue d'eau lisse comme un miroir … J'imagine son regard tendu vers l'horizon.

Un bel homme en bleu, sur son vélo, tête haute, barbe blanche bien taillée … J'imagine qu'il est joyeux.

Deux fillettes en uniforme scolaire rouge et blanc, rubans rouges au bout de leurs nattes, pimpantes et bavardes … J'imagine qu'elles sentent bon.

Des files de carrioles tirées par des boeufs aux cornes multicolores, en attente pour des chargements de sable de chantier.

Des rizières, camaïeux de verts piquetés des taches de couleurs éclatantes des saris.

Quelques hameaux où tôle et béton n'ont pas encore chassé feuilles de palmes et terre … et où vaches et chèvres mangent de la verdure.

Le bus m'arrête en plein coeur de ville, à 2 pas du temple.

Il est 10h30, la chaleur est écrasante. A chaque fois je me dis : « Je ne vais pas tenir le coup ! » Et si, j'ai encore du potentiel en réserve …

Il faut déposer les chaussures et … courir à l'ombre du gopura tellement le sol est brûlant …

Le temple de Nataraja (incarnation de Shiva en Danseur de l'Univers) est, selon Lonely Planet, un fleuronde l'architecture dravidienne et fut érigé vers 1310 sous la dynastie « chola ». Certains affirment que quelques bâtiments datent du Vième siècle (dynastie « pallova). Il est donc dédié à Shiva car « selon la légende, Shiva et Kali entamèrent un concours de danse soumis au jugement des dieux dans une forêt proche. Shiva acheva sa chorégraphie par un lancer de jambe que Kali fut incapable de reproduire, il obtint ainsi le titre de Nataraja, seigneur de la danse. » (Extrait de Lonely Planet).

A l'entrée, la voûte du gopura est recouverte de 108 sculptures qui représentent les 108 postures sacrées de la danse classique tamoule : magnifique, seulement de la pierre nue, sans couleurs …

Dans la cour : un grand espace ombragé où l'on peut marcher, s'asseoir, lire, manger, parler, dormir … Quelques chèvres s'y promènent et viennent même quémander un peu de nourriture.

Plus loin, un très grand bassin pour les ablutions : non non merci je ne prendrai pas d'eau cette fois-ci encore !!!...

Je passe un grand moment à regarder tous les swamis installés en haut des marches du bassin, sollicités par les pélerins pour recevoir des bénédictions ou connaître leur avenir : bougies, encens, ghee, lait et offrandes de toutes sortes jonchent le sol … Incantations, récitations de mantras et … donations !

Accès gratuit mais photos interdites à l'intérieur du temple.

Des centaines de fidèles recueillis, et l'on peut ressentir l'intensité  de leur attente, sont debout face au sanctuaire où va se dérouler la cérémonie du feu (il y en a 6 par jour). Rituel immuable depuis des milliers d'années dit Lonely Planet.

Une fois encore, je ressens, avec acuité, cette ferveur et la partage spontanément …

On me dévisage d'abord puis, on m'oublie, mêlée au flot …

Quelques jeunes filles, parées de tenues chatoyantes (costumes d'écoles de danse je pense), intégrées à la file d'attente, se mettent soudain à danser, en hommage à Shiva. La magie opère, j'imagine parfaitement Shiva et Kali se défiant dans ces postures magnifiques …

Sons de cloches, tambours,fumées d'encens, odeur de ghee accompagnent la « fièvre » qui s'intensifie : psalmodies, chant magnifique d'une femme, seule, extasiée. Les portes (d'argent me semble-t-il) se ferment, puis s'ouvrent (clameur chuchotée de la foule !!!...) laissant apercevoir la statue sacrée. Des prêtres balancent devant elle (comme avec un encensoir) des suspensions de feux d'huile et de ghee : ombre, lumière, ombre, lumière se succèdent quelques minutes et le portes se referment … Décrire l'intégralité du rituel prendrait des pages entières … Peu à peu mon intérêt se tourne plutôt vers les fidèles qui, maintenant, se mettent en route pour suivre (je me joins à eux) dans les dédales du temple, la statue déposée sur un « brancard » ( non non elle n'est pas malade, mais je ne trouve pas de mot plus approprié) fleuri porté par 4 prêtres. Arrêts multiples, bénédictions devant chaque effigie de divinité, au pas de course …

A la fin du cycle, chacun reprend sa place et tous les pèlerins se retrouvent, toujours dans le temple, à un endroit où l'on distribue de la nourriture. Je n'ose pas m'en approcher, j'imagine que c'est réservé aux pauvres, mais on m'y invite pour une délicieuse assiette de pongal (semoule de riz avec quelques légumes et noix de cajou). Je suppose que ça doit servir de « soupe populaire » aux plus démunis … Je reste pour une seconde cérémonie puis je pars flâner en ville, rasant les murs en quête d'un peu d'ombre : un jus de citron ici, un tchai là, une mangue ailleurs (je la prendrai sans piment, merci …). Je m'éloigne de la rue principale, les ruelles sont plus calmes. Je suis observée avec curiosité et bienveillance me semble-t-il. Des enfants répondent timidement à mon bonjour et courent se cacher dans leur maison !!!...

Retour à la gare routière pour un retour vers Pondichéry réellement terrifiant ! Le chauffeur a -t-il mangé du lion ou est-il, simplement, pressé de retrouver sa dulcinée ??? …

Je suis prête à lui proposer de prendre le volant à sa place tellement j'ai peur : ça tangue, ça freine, ça double, ça klaxonne, c'est infernal !!!... Sans oublier la musique qui, dit-on, adoucit les moeurs !

J'essaie de me rassurer en regardant les autres passagers : tous sont parfaitement sereins, il faut que j'apprenne ! (cela me rappelle certains taxis d'Abidjan, il y a 40 ans, sur lesquels était inscrit : « S'en fout la mort » !

Peut-être qu'en effet, mépriser le danger permet de l'éloigner !

Je vous laisse sur ce sujet de méditation et je vous embrasse.